Il y a t-il meilleur sujet de conversation que le sport? Simple, neutre et populaire, aucune raison que ça se passe mal, non? Pour la dernière partie du dossier d'Espace Public consacré au sport, M., nous démontre tout l'intérêt du sport comme lubrifiant social.
Briser la Glace
True
story…
J’ai un client assis à côté de
moi, je décide de faire la conversation pour tisser des liens, faire du PR comme on dit.
-
Vous
venez d’où?
-
De
Québec
Je me rappelle alors qu’Andrée
Boucher vient d’être élue mairesse de notre capitale nationale. Supposant que
mon dégoût est universel, J’enchaîne :
-
Ah
oui? Moi je ne comprends pas ce qui se passe dans votre coin de pays. Avec les
radios poubelles et la mairesse Boucher, je me demande vraiment ce qui se passe
avec les gens de Québec.
-
J’ai
fait parti de l’équipe électorale de Mme Boucher quand elle est devenue
mairesse de Sainte-Foy…
Malaise…
Première leçon de PR, ne jamais parler de politique avec
un client, à moins de savoir ce qu’il va dire. Non, je n’ai pas perdu le
client : en fait, il m’a admis qu’il trouvait que Mme Boucher avait dérapé
depuis son premier mandat et qu’elle était devenue, somme toute, mégalomane. Je
l’ai échappé belle!
Reste que s’il peut sembler évident
que ce genre d’intervention polémique est généralement mal venue dans les
relations d’affaires, l’éventail des sujets abordables lors d’échanges rapides
peut rapidement devenir lassant. La température?
–
Il fait beau hen?
– Il va pleuvoir demain.
– Avez-vous profité du beau temps
cette fin de semaine?
Vraiment le meilleur moyen de donner
l’impression à quelqu’un qu’on n’a pas vraiment envie de jaser. Quand à moi,
c’est plutôt un outil repoussoir pour éviter que la conversation se développe.
Quelque chose de plus personnel? Le travail? La famille?
-
Vous
faites quoi dans la vie?
-
Ça
va bien au travail?
-
Vous
avez des enfants? Ils ont quel âge?
Ou
le très simple
-
Comment
va la vie?
Meilleur moyen pour que votre
patron, qui est dans sa crise de la quarantaine, vous parle de la décapotable
qu’il vient d’acheter. À moins de s’y connaître en voiture, difficile de porter
le ballon.
Alors, en toute autorité, je me
propose de vous expliquer comment aborder quelqu’un que l’on ne connaît pas :
il faut trouver un sujet de conversation susceptible de stimuler les passions
de votre interlocuteur (et possiblement la vôtre), tout en évitant les
polémiques embarrassantes. On évite donc :
-
Pour
moi, les Amish, c’est des gens qui aiment trop l’Halloween.
-
Je
m’excuse, mais les juifs d’Outremont, ils conduisent mal.
-
Les
délinquants, maintenant, on les laisse partir avec une petite tape sur les
doigts, en leur disant de pas recommencer… Moi je suis pour la peine de mort!
-
Vous
vous êtes fait checker les seins
récemment? Il paraît que vous avez l’âge où les tumeurs apparaissent.
(Je
ne vous dirai pas lesquelles de ces conversations j’ai dû soutenir…)
Pour éviter les situations
embarrassantes, parce qu’on n’est jamais à l’abri d’un manque de jugement qui
nous met dans l’embarras, je vous suggère plutôt de parler de sport
professionnel… Eh oui! Que vous aimiez ou non, difficile de trouver plus
efficace pour toucher la fibre émotionnelle de quelqu’un sans risquer de le
froisser aussi facilement qu’en parlant des Canadiens de Montréal, des Red Sox
de Boston ou des Cowboys de Dallas. Je dirais même plus, si vous faites du PR à l’étranger, vous devriez en
apprendre sur les résultats des équipes professionnelles dans la ville où vous
allez :
-
Qu’est-ce
que vous pensez du lock-out?
-
Vous
pensez que les Red Sox vont faire mieux la saison prochaine?
-
Vous
saviez que Pedro Martinez était à Montréal avant?
Avec le sport, même les blagues,
les polémiques et les taquineries passent bien :
-
Pis,
Lance Armstrong, drogué?
-
Savez-vous
ce qu’on a à Montréal que vous avez pas à Toronto? Des photos en couleur de la
coupe…
-
Jacques
Demers est sénateur.
Une fille m’a déjà avoué qu’elle
abordait des gars en leur demandant :
-
Pas
fort ces-temps-ci Kovalev? (oui, ça fait quelques années)
Et dire que la LNH s’apprête à
nous enlever un des seuls sujets passionnels disponibles pour briser la glace
avec nos concitoyens…
Mais attention! Il paraît que les
amateurs de soccer se battent et, parfois, se tuent, alors ne me tenez pas
responsable si vous appliquez mes conseils avec trop de zèle. Les Européens et
les Sud-Américains, ils sont d’une autre culture…
M.