Café-Jasette

dimanche 14 octobre 2012

Briser la glace


Il y a t-il meilleur sujet de conversation que le sport?  Simple, neutre et populaire, aucune raison que ça se passe mal, non? Pour la dernière partie du dossier d'Espace Public consacré au sport, M.,  nous démontre tout l'intérêt du sport comme lubrifiant social.


Briser la Glace


True story…

J’ai un client assis à côté de moi, je décide de faire la conversation pour tisser des liens, faire du PR comme on dit.
-      Vous venez d’où?
-      De Québec
Je me rappelle alors qu’Andrée Boucher vient d’être élue mairesse de notre capitale nationale. Supposant que mon dégoût est universel, J’enchaîne :
-      Ah oui? Moi je ne comprends pas ce qui se passe dans votre coin de pays. Avec les radios poubelles et la mairesse Boucher, je me demande vraiment ce qui se passe avec les gens de Québec.
-      J’ai fait parti de l’équipe électorale de Mme Boucher quand elle est devenue mairesse de Sainte-Foy…
Malaise…
Première leçon de PR, ne jamais parler de politique avec un client, à moins de savoir ce qu’il va dire. Non, je n’ai pas perdu le client : en fait, il m’a admis qu’il trouvait que Mme Boucher avait dérapé depuis son premier mandat et qu’elle était devenue, somme toute, mégalomane. Je l’ai échappé belle!
            Reste que s’il peut sembler évident que ce genre d’intervention polémique est généralement mal venue dans les relations d’affaires, l’éventail des sujets abordables lors d’échanges rapides peut rapidement devenir lassant. La température?
– Il fait beau hen?
– Il va pleuvoir demain.
– Avez-vous profité du beau temps cette fin de semaine?

            Vraiment le meilleur moyen de donner l’impression à quelqu’un qu’on n’a pas vraiment envie de jaser. Quand à moi, c’est plutôt un outil repoussoir pour éviter que la conversation se développe. Quelque chose de plus personnel? Le travail? La famille?

-      Vous faites quoi dans la vie?
-      Ça va bien au travail?
-      Vous avez des enfants? Ils ont quel âge?
Ou le très simple
-      Comment va la vie?
Meilleur moyen pour que votre patron, qui est dans sa crise de la quarantaine, vous parle de la décapotable qu’il vient d’acheter. À moins de s’y connaître en voiture, difficile de porter le ballon.
            Alors, en toute autorité, je me propose de vous expliquer comment aborder quelqu’un que l’on ne connaît pas : il faut trouver un sujet de conversation susceptible de stimuler les passions de votre interlocuteur (et possiblement la vôtre), tout en évitant les polémiques embarrassantes. On évite donc :
-      Pour moi, les Amish, c’est des gens qui aiment trop l’Halloween.
-      Je m’excuse, mais les juifs d’Outremont, ils conduisent mal.
-      Les délinquants, maintenant, on les laisse partir avec une petite tape sur les doigts, en leur disant de pas recommencer… Moi je suis pour la peine de mort!
-      Vous vous êtes fait checker les seins récemment? Il paraît que vous avez l’âge où les tumeurs apparaissent.
(Je ne vous dirai pas lesquelles de ces conversations j’ai dû soutenir…)
            Pour éviter les situations embarrassantes, parce qu’on n’est jamais à l’abri d’un manque de jugement qui nous met dans l’embarras, je vous suggère plutôt de parler de sport professionnel… Eh oui! Que vous aimiez ou non, difficile de trouver plus efficace pour toucher la fibre émotionnelle de quelqu’un sans risquer de le froisser aussi facilement qu’en parlant des Canadiens de Montréal, des Red Sox de Boston ou des Cowboys de Dallas. Je dirais même plus, si vous faites du PR à l’étranger, vous devriez en apprendre sur les résultats des équipes professionnelles dans la ville où vous allez :
-      Qu’est-ce que vous pensez du lock-out?
-      Vous pensez que les Red Sox vont faire mieux la saison prochaine?
-      Vous saviez que Pedro Martinez était à Montréal avant?
Avec le sport, même les blagues, les polémiques et les taquineries passent bien :
-      Pis, Lance Armstrong, drogué?
-      Savez-vous ce qu’on a à Montréal que vous avez pas à Toronto? Des photos en couleur de la coupe…
-      Jacques Demers est sénateur.
Une fille m’a déjà avoué qu’elle abordait des gars en leur demandant :
-      Pas fort ces-temps-ci Kovalev? (oui, ça fait quelques années)
Et dire que la LNH s’apprête à nous enlever un des seuls sujets passionnels disponibles pour briser la glace avec nos concitoyens…

Mais attention! Il paraît que les amateurs de soccer se battent et, parfois, se tuent, alors ne me tenez pas responsable si vous appliquez mes conseils avec trop de zèle. Les Européens et les Sud-Américains, ils sont d’une autre culture…

M.

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