Quels furent les enjeux et les idées mises en avant? par qui et pourquoi? Qui les a défini?
C'est ce que se propose d'aborder, en partie, M. à travers son texte : Les "vraies affaires".
Les « vraies
affaires »
En
juillet 2011, le député Bernard Drainville invitait les citoyens du Québec à
« réfléchir au Québec qu’on veut » et à lui transmettre les résultats
de leurs réflexions. Au terme de cette consultation, il concluait que
« les Québécois ont mal à leur démocratie », qu’ils ont envie de
changement et que, si le Parti Libéral et le Parti Québécois font partie du
problème, le véritable enjeu était la rénovation de la démocratie. Bernard
Drainville, fort de ses conclusions, proposa alors de réformer notre système
démocratique en y introduisant, par exemple, le référendum d’initiative
populaire et une forme de proportionnelle dans notre mode de scrutin.
Dans
sa chronique du 26 août 2011, Josée Boileau, chroniqueuse au journal Le Devoir, lui répondait que le
désenchantement de la population face à la politique n’avait rien à voir avec
les modalités de notre régime politique, qu’une démocratie trop directe
équivaudrait à une véritable « dictature du peuple » et que, de toute
façon, la population n’avait pas d’intérêt pour ce genre de discussion abstraite
qui ne touche pas « la vraie vie » des électeurs.
Bref,
il semblerait que la rénovation de la démocratie ne tombe malheureusement pas
dans la catégorie très connue des « vraies affaires », mais plutôt
dans celle, moins connue, des « fausses affaires ». On pourrait
certainement protester en rappelant que Bernard Drainville a reçu des centaines
de courriels de gens intéressés par la démocratie québécoise ou encore que
plusieurs électeurs votent pour Québec solidaire précisément parce qu’il
propose d’introduire la proportionnelle dans notre mode de scrutin… Mais si
Josée Boileau a raison, une question se pose : mais que sont les
« vraies affaires » au juste?
J’ai
récemment obtenu une réponse (partielle) à cette question. Quel ne fut pas mon
plaisir lorsque j’écoutais Alec Castonguay et Michel C. Auger, analystes à
l’émission de Radio-Canada Les coulisses
du pouvoir, expliquer qu’en offrant des crédits d’impôt aux Québécois, Jean
Charest et François Legault faisaient une campagne moderne, inspirée des
tactiques du parti conservateur du Canada, et s’adressait au vrai monde.
J’avoue que je ne l’aurais pas deviné seul : les crédits d’impôt aux
particuliers, ce sont les « vraies affaires »!
Si la promesse de Jean Charest de donner 500$
à chaque Québécois qui investit dans une entreprise impliquée dans le Plan Nord
ou celle de François Legault d’offrir un crédit d’impôt de 1000$ aux familles
pour l’achat d’une première maison constitue une évolution du discours
politique à la faveur de ce qui touche vraiment les gens, permettez-moi de
douter de la santé de notre démocratie. À bas les grands principes qui guident
nos gouvernements, à bas les réformes démocratiques, parlez-nous de ce que vous
mettrez dans notre portefeuille. Nous voici revenus à l’époque où les candidats
de l’Union nationale s’installaient sur le perron de l’église du coin pour
distribuer les billets de banque à leurs électeurs potentiels, sauf que
maintenant il n’est plus nécessaire de se présenter à l’Église pour recevoir
les « piastres » (n’est-ce pas là le meilleur indicateur de la
laïcité de l’État québécois?). Comble du ridicule, ces crédits d’impôt n’ont
que peu d’impact sur l’état financier des familles.
Il
est malheureux que nos analystes politiques accordent autant d’importance à des
mesures fiscales mineures, mais si peu à ce qui pourrait potentiellement
devenir un projet de société à débattre. Il est probablement vrai que l’apathie
politique de la dernière décennie nous a habitués au désillusionnement et au
cynisme : en ce sens, on peut comprendre les journalistes de ne pas trop s’enthousiasmer
devant les projets d’envergure comme celui de Bernard Drainville. Ce serait
cependant un danger que de réduire de telles initiatives à des élucubrations
utopistes et inutiles : le rôle des analystes politiques, après tout,
n’est pas de conforter l’électorat dans son désenchantement.
D’ailleurs,
la volonté populaire en faveur d’une plus grande prise de parole citoyenne que
le député du PQ constatait à l’été 2011 aura certainement été confirmée au
printemps dernier. Certes, la rénovation de la démocratie québécoise n’a pas
tellement été à l’ordre du jour durant la campagne électorale, mais il ne
faudrait pas en faire trop hâtivement la nécrologie. Parfois, il faut attendre
la montée d’une nouvelle génération de politiciens pour trouver le porte-étendard
d’un projet de société ambitieux.
M.
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