Café-Jasette

samedi 15 septembre 2012

Les "vraies affaires"

Si l'on devait définir un projet de société à partir de la précédente campagne électorale québécoise, qu'en retiendrait-on?
Quels furent les enjeux et les idées mises en avant? par qui et pourquoi? Qui les a défini?

C'est ce que se propose d'aborder, en partie,  M. à travers son texte : Les "vraies affaires". 



Les « vraies affaires »

            En juillet 2011, le député Bernard Drainville invitait les citoyens du Québec à « réfléchir au Québec qu’on veut » et à lui transmettre les résultats de leurs réflexions. Au terme de cette consultation, il concluait que « les Québécois ont mal à leur démocratie », qu’ils ont envie de changement et que, si le Parti Libéral et le Parti Québécois font partie du problème, le véritable enjeu était la rénovation de la démocratie. Bernard Drainville, fort de ses conclusions, proposa alors de réformer notre système démocratique en y introduisant, par exemple, le référendum d’initiative populaire et une forme de proportionnelle dans notre mode de scrutin.
            Dans sa chronique du 26 août 2011, Josée Boileau, chroniqueuse au journal Le Devoir, lui répondait que le désenchantement de la population face à la politique n’avait rien à voir avec les modalités de notre régime politique, qu’une démocratie trop directe équivaudrait à une véritable « dictature du peuple » et que, de toute façon, la population n’avait pas d’intérêt pour ce genre de discussion abstraite qui ne touche pas « la vraie vie » des électeurs.
            Bref, il semblerait que la rénovation de la démocratie ne tombe malheureusement pas dans la catégorie très connue des « vraies affaires », mais plutôt dans celle, moins connue, des « fausses affaires ». On pourrait certainement protester en rappelant que Bernard Drainville a reçu des centaines de courriels de gens intéressés par la démocratie québécoise ou encore que plusieurs électeurs votent pour Québec solidaire précisément parce qu’il propose d’introduire la proportionnelle dans notre mode de scrutin… Mais si Josée Boileau a raison, une question se pose : mais que sont les « vraies affaires » au juste?
            J’ai récemment obtenu une réponse (partielle) à cette question. Quel ne fut pas mon plaisir lorsque j’écoutais Alec Castonguay et Michel C. Auger, analystes à l’émission de Radio-Canada Les coulisses du pouvoir, expliquer qu’en offrant des crédits d’impôt aux Québécois, Jean Charest et François Legault faisaient une campagne moderne, inspirée des tactiques du parti conservateur du Canada, et s’adressait au vrai monde. J’avoue que je ne l’aurais pas deviné seul : les crédits d’impôt aux particuliers, ce sont les « vraies affaires »!
             Si la promesse de Jean Charest de donner 500$ à chaque Québécois qui investit dans une entreprise impliquée dans le Plan Nord ou celle de François Legault d’offrir un crédit d’impôt de 1000$ aux familles pour l’achat d’une première maison constitue une évolution du discours politique à la faveur de ce qui touche vraiment les gens, permettez-moi de douter de la santé de notre démocratie. À bas les grands principes qui guident nos gouvernements, à bas les réformes démocratiques, parlez-nous de ce que vous mettrez dans notre portefeuille. Nous voici revenus à l’époque où les candidats de l’Union nationale s’installaient sur le perron de l’église du coin pour distribuer les billets de banque à leurs électeurs potentiels, sauf que maintenant il n’est plus nécessaire de se présenter à l’Église pour recevoir les « piastres » (n’est-ce pas là le meilleur indicateur de la laïcité de l’État québécois?). Comble du ridicule, ces crédits d’impôt n’ont que peu d’impact sur l’état financier des familles.
            Il est malheureux que nos analystes politiques accordent autant d’importance à des mesures fiscales mineures, mais si peu à ce qui pourrait potentiellement devenir un projet de société à débattre. Il est probablement vrai que l’apathie politique de la dernière décennie nous a habitués au désillusionnement et au cynisme : en ce sens, on peut comprendre les journalistes de ne pas trop s’enthousiasmer devant les projets d’envergure comme celui de Bernard Drainville. Ce serait cependant un danger que de réduire de telles initiatives à des élucubrations utopistes et inutiles : le rôle des analystes politiques, après tout, n’est pas de conforter l’électorat dans son désenchantement.
            D’ailleurs, la volonté populaire en faveur d’une plus grande prise de parole citoyenne que le député du PQ constatait à l’été 2011 aura certainement été confirmée au printemps dernier. Certes, la rénovation de la démocratie québécoise n’a pas tellement été à l’ordre du jour durant la campagne électorale, mais il ne faudrait pas en faire trop hâtivement la nécrologie. Parfois, il faut attendre la montée d’une nouvelle génération de politiciens pour trouver le porte-étendard d’un projet de société ambitieux.


M.

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